C'etait à la fin du mois d'avril 2003, si je me rappelle bien.

Je venais juste d'emménager à Montréal. En ce temps-là battait son plein la maladie SARS, ou SRAS pour les francophones. Une terrible maladie qui tue 10% des gens qui en sont atteints et les 90% restant s'en sortent avec des troubles mentaux d'après les chercheurs. Originaire de Chine, ce virus était arrivé au Canada par l'intermédiaire d'immigrés chinois ou de simples touristes qui s'étaient rendus en Chine. Il y eut plusieurs cas de décès au Canada, en majorité à Toronto.

Un samedi matin, alors que je raccompagnais mon ancienne blonde à l'aéroport, je fus soudain pris de vertiges, coups de chaleur, fatigue, étourdissements dans le métro montréalais. Je passai ensuite toute ma journée alité, à comater, à tenter de dormir, à divaguer, pris de frissons, en sueur, sans appétit. À la radio, il n'y avait pas une heure sans que les journalistes n'en remettaient une couche sur le SARS lors des flashs d'info: nombre de victimes qui croît, blablabla, nombre de personnes atteintes aussi, blablabla, la folie s'empare de Toronto, blablabla, masque sur la bouche des gens pour circuler dans les métros, blablebli, c'est la faute aux chinois (ben voyons!), blablabla, infirmières et médecins contaminés, ils étaient en contact physique direct avec des gens atteints de cette saloperie, blibloblu, le virus peut-il contaminer Montréal ? Oui. Montréal allait succomber à sont tour, c'était évident, il faut rester chez vous braves gens, n'entrez en contact direct avec personne, n'allez plus en Ontario, ne prenez plus le métro non plus, ne mangez plus chinois, respirez vous êtes filmés.

Et plus certains messages radiophoniques devenaient alarmants et entêtants, plus je divaguais dans mon lit, en sueur, ayant des difficultés à respirer et à penser. La frénésie s'emparait de la ville et de mon esprit.

Bref, c'était clair, j'avais les mêmes symptômes que ceux du SARS (cf http://www.pasteur.fr/actu/presse/dossiers/emergent/SRAS.htm) et j'allais en crever, seul dans mon lit, comme un con. J'aurais jamais dû prendre le métro ce jour-là. Les chinois, Omar et leur virus qui prend le métro m'ont tuer. Je voyais déjà la tête de ma famille et de mes amis en France : "il faut toujours qu'il fasse son intéressant, il a chopé la dernière connerie à la mode et en a crevé, c'est bien fait pour lui".

Et puis, j'ai survécu. Je ne sais pas comment j'ai fait, mais j'ai survécu. Je me suis réveillé le lendemain matin en pleine forme, frais comme un gardon, avec un appétit de diplodocus. J'avais vaincu cette foutue maladie. J'en étais pas peu fier. Il fallait à tout prix aller l'annoncer, aller à l'hôpital pour aider les gens, on trouverait sûrement un vaccin contre le SARS avec mon sang ou mon ADN. J'allais être le héros qui sauverait la Terre entière. Tout ça, quoi.

Mais en fait, non. Je me rendis compte dans ma joie que les deux cachets que j'avais pris avant juste d'aller à l'aéroport le samedi matin et que je croyais être contre le mal de crâne n'étaient en fait que deux pilules contre la grippe, vous savez, les pilules formule NUIT, les extra fortes, celles qu'il faut prendre avant de se coucher (puisque je vous dis qu'elles sont de nuit, suivez un peu), celles qui achèveraient un cheval au galop, celles avec tous les effets secondaires, bref celles faites uniquement pour les gens qui vont aller dormir et qui ne ressentiront rien de ces effets vu qu'ils dormiront, ces maudits chanceux !

La journée du dimanche fut merdique. Je restai cloitré chez moi, vexé de n'avoir pu sauver le monde. La vie est une pute parfois.