• Acte 3 : tu connais l'histoire de l'araignée qui repeind mon plafond ?
2eme nuit ici. J'avais survécu à la 1ère nuit, j'allais bien réussir à passer le cap de la deuxième, non ? Je passais mon temps à scruter tout ce qui était scrutable. Le sol, les murs, le plafond, les tables, le lit, les chaises, re le sol, le miroir, les toilettes où je faisais très attention avant de m'asseoir sur la lunette (puisque je te dis qu'il faut que tu regardes le film "la malédiction de la veuve noire" !), la moquette, le réfrigérateur, re le plafond, oh tiens, une araignée, re le lit, re les chaises, le canapé, le AAAAAAAAAAAAAAAAAAAHH ! Stop, reviens en arrière, vite, vite !!!! Oui, voilà, tu y es. IL Y A UNE ARAIGNÉE QUI SE PROMÈNE AU PLAFOND !! Au plafond qu'elle se promène l'araignée j'te dis !



Vite, vite, pas de panique, que faire ? Téléphoner à ma blonde et lui dire que je l'aimais ? Téléphoner à un avocat pour faire un testament ? Paul, mon ami Paul, je te lègue ma collection de dessous de plats jaunes que tu m'as toujours enviée; à toi maman, petite maman chérie, je te lègue ma collection de CDs de Michel Sardou et Frédéric François que tu n'as jamais enviée; à toi Lulu mon asparagus. Non, pas mon asparagus. Téléphoner aux renseignements, ils sont toujours de bons conseils ? Chanter la Marseillaise ? Hurler comme un dératé dans la maison qu'on ne m'y reprendra plus à venir ici ? Demander de l'aide aux voisins ? Ah non. Trop loin, les cons. Partir en loucedé dans la pièce d'à côté ? Non, je ne suis pas lâche je te dis ! Ne rien faire et siffloter "des pommes, des poires et des scoubidous, aaaahhhhh" sur un pied ? Non plus, je suis un ancien ophtalmologiste, je ne peux pas faire ça. Téléphoner aux flics pour leur signaler qu'il y a une araignée super-méga-hypra-giga-over-dangeureuse sur mon plafond ? C'est pas une bonne idée non plus, je ne veux pas finir mes jours en asile psychiatrique à Vancouver, ou pire, à Calgary. C'est vrai quoi, leurs équipes de hockey craignent un max. Vite, réagissons avant qu'il ne soit trop tard. Il ne me restait plus qu'une solution si je souhaitais passer une nuit tranquille : lui éclater la djeule lui fabriquer un joli tutu rose. Oui, car il est bien connu que la danse adoucit les moeurs. À moins que ce ne soit la poterie ? Ou le rotin ? Je ne sais plus. Bref, il fallait tout mettre en oeuvre pour la calmer et lui passer ses envies de suicider les gens de son entourage. En l'occurence, moi !
Elle est noire, c'est surement une veuve noire ! Putain, on dirait même qu'elle cherche à prendre son élan pour me sauter dessus, la salope. Je ne sais pas combien de temps j'ai mis à essayer d'ouvrir la porte du débarras pour choper un balai afin de la saigner. Au moins 5 minutes. Mais si ça se trouve, c'est un piège, elles sont deux en fait, et il y en a une qui m'attend dans le débarras pour me faire la fête ! Et si ça se trouve, elles sont des centaines derrière la porte du débarras ! Ahhhh la vache, elles sont vraiment très intelligentes ces connes. Et elles croyaient que j'allais me laisser prendre à leur traquenard? Mouhahahahahaaaa, elles me connaissaient mal !

Ca s'est terminé à coups de brosse à chiotte.

Je n'eus pas trop le choix en fait car je n'ai jamais pu ouvrir cette foutue porte du débarras, car je n'avais pas la clef. Si si ! Quel dommage quand même, non ? Bon en même temps ça m'arrangeait un tout petit peu car il faut dire qu'elle avait eu le bon goût de se positionner juste au dessus du débarras. Tu vois, elle avait tout anticipé, l'enflure. Bon c'était pas le tout de s'armer, il a fallu la buter. Ça non plus ce ne fut pas gagné d'avance. J'ai dû monter sur une chaise. J'avais peur, certes, mais l'air fin aussi. Mais bon, surtout peur. Bordel, j'avais pas de gants en LaTeX pour me protéger. Métier à risque que démineur d'araignées. Imagine le tableau. Tu entres chez toi et tu trouves un mec debout sur une chaise en train de brosser le plafond avec un balai à chiottes. Comment tu réagirais, hein ? Dis ? Ben tu ferais comme moi, tu commenderais une pizza hawaienne, parfaitement madame!
Je pense que je lui donnai un bon coup derrière la nuque car elle tomba comme une crèpe sur le sol (*), tu sais, comme quand on loupe le rattrapage de crêpe. Elle a gémi un peu, mais pas trop quand même. Sur le qui-vive, je gardai toute mon attention au cas où ses comparses auraient la bonne idée de lui porter secours. Mais rien ne vint. Du coup, j'en profitai d'avoir le balai à chiotte en main pour tenter d'enlever la trace de pneu qui venait d'être faite au plafond. Dommages collatéraux qu'on appelle ça.
Il s'avéra finalement que ce n'était pas du tout une veuve noire, mais peut-être une Brown Recluse. Mais peu m'importait. Ça en imposait le respect quand même. J'etais fier comme seul un camion de pompier savait l'être en ces circonstances. J'avais gagné une première bataille. Et peut-être la guerre. Pour avoir la paix ?

Paranoia : 2 - Moi : 1.

(*) Métaphore pourrite ne fonctionnant que les mardis gras.